Vers une nouvelle renaissance ?
Isabelle Ohmann
[quote]Moyens âges et renaissances s’alternent dans l’histoire. Notre époque troublée nous fait aspi-rer à un monde plus serein et plus solidaire. Avons-nous besoin d’une nouvelle renaissance?[/quote]
Comme nous le savons aujourd’hui, moyen âge et renaissance ne sont pas des époques limitées à notre civilisation européenne, mais bien des étapes cycliques que chaque civilisation traverse un jour ou l’autre.
Comme nous le savons aujourd’hui, moyen âge et renaissance ne sont pas des époques limitées à notre civilisation européenne, mais bien des étapes cycliques que chaque civilisation traverse un jour ou l’autre.
Le moyen âge, comme son nom l’indique, est un âge intermédiaire. Il définit en général la période qui sépare une période de civilisation d’une autre. Il peut être passager, comme en Égypte qui connut deux moyens âges, entre l’Ancien empire et le Moyen empire, puis entre le Moyen empire et le Nouvel empire, ou être définitif, comme le moyen âge européen qui signa la disparition de l’Empire romain.
Civilisations et moyen âge
Le moyen âge désigne une période où les structures disparaissent et où les traces de la civilisation s’effacent, laissant un chaos où seuls de petites unités survivent. Les moyens âges sont par définition des périodes obscures qui ne laissent pas de traces dans l’histoire, si ce n’est par leur durée.
Les civilisations, quant à elles, se définissent par l’expression d’une vision du monde et de valeurs dans différents domaines : l’art – on parlera alors du style de cette civilisation ; la forme politique qui permet aux peuples concernés de vivre en paix intérieure et extérieure ; la religion qui unit les indivi-dus dans une vision commune de leur destinée et, enfin, la science qui englobe le corpus de connais-sances de cette civilisation.
Les civilisations meurent lorsqu’elles perdent leurs valeurs et que les individus qui la composent ou-blient ce qui forgeait leur unité. La recherche de la préservation des richesses, le repli individualiste et la perte du lien social qui s’ensuivent entraînent une fragilisation et la civilisation devient une proie pour d’autres conquérants ou commence à s’émietter en parties distinctes de plus en plus petites. Les réalisations matérielles disparaissent à leur tour.
La renaissance
Le processus de renaissance est un des plus mystérieux de l’histoire. Après l’hiver de la civilisation, d’une durée plus ou moins longue, naît une nouvelle pousse printanière : la renaissance. De nouvelles formes culturelles apparaissent, qu’elles soient artistiques, politiques, religieuses ou scientifiques. Même si les raisons qui favorisent une telle émergence sont loin d’être toutes élucidées, il est clair qu’elle prend racine dans une vision du monde et des valeurs renouvelées qui permettent de revitaliser le passé pour se projeter dans le futur. Pour prendre l’exemple de la renaissance européenne, la redé-couverte de Platon et des philosophies du bassin méditerranéen, oubliées en grande partie pendant le Moyen Âge, ont permis de susciter une floraison culturelle qui eut un immense impact sur l’Europe entière. (1)
C’est par un réenracinement dans son histoire mais aussi par une ouverture aux apports philosophiques et spirituels autres, qu’une civilisation parvient à se régénérer pour donner naissance à une nouvelle époque de lumière culturelle. Ni la politique de la table rase, qui dénie toute valeur au passé et aux traditions, ni le repli sur des valeurs conservatrices qui refuse tout apport extérieur et innovant, ne permettent d’instaurer un véritable renouveau de civilisation. Des exemples récents, comme la révolu-tion marxiste ou les replis intégristes ou ethniques, en sont la preuve.
Un nouveau moyen âge ?
Un bref regard sur notre civilisation occidentale nous mène à un constat difficile. Nous avons vécu un XXe siècle qui a trahi presque toutes ses promesses, mise à part l’incroyable évolution technologique et scientifique. Deux guerres mondiales, plusieurs génocides et totalitarismes ont engendré près de cent cinquante millions de morts. Notre planète est dévastée par une industrialisation non maîtrisée : fonte des pôles et des glaciers, déforestation massive, pollution des eaux, sans parler des grandes per-turbations climatiques comme le réchauffement artificiel de la planète. L’accroissement démogra-phique énorme engendre un ensemble de problème de plus en plus aigus : famines, épidémies, pénurie de ressources essentielles telles que l’eau. La liste est longue.
La peur du futur
Tout le monde craint l’avenir mais personne n’a le courage d’affronter véritablement la situation et les grandes institutions internationales ont perdu leur protagonisme et leur pouvoir de réunir tous les ac-teurs afin qu’ils puissent élaborer un plan d’action concerté et solidaire. Bien au contraire, le droit semble s’effacer au profit de la force, comme on a pu le voir récemment pour les conflits internatio-naux déclarés unilatéralement. On parle maintenant de «nouvelle barbarie» menaçant la civilisation en maints endroits désormais appelés zones de non-droit.
Les symptômes médiévaux
La barbarie et la recherche de sécurité ne sont pas les seuls symptômes médiévaux. Aujourd’hui, notre civilisation occidentale a souvent tendance à se résumer à la recherche d’un confort de vie inscrit dans une vision du monde a minima, dans laquelle la déclaration des droits de l’homme apparaît de plus en plus comme un voeu pieux. Cet état de fait provoque un individualisme croissant qui entraîne une dé-sertion de l’espace public et de l’exercice de la citoyenneté, marquant la perte du lien social. L’instabilité et le sentiment d’insécurité permanent renforcent le repli sur soi. L’absence de sens, autre que matériel, engendre aussi la recherche d’ouverture à de nouvelles dimensions qui, manquant le plus souvent de discernement, favorisent la prolifération des voyants, jeux de hasards, sectes ou autres charlatans, images d’une superstition moderne.
Une nouvelle renaissance ?
Nombreux sont ceux qui aspirent à un monde meilleur et plus juste, comme en témoignent l’intérêt et l’appui grandissants pour les actions humanitaires et solidaires. Avec toutefois le sentiment amer qu’il s’agit souvent d’un emplâtre sur une jambe de bois et que soulager la maladie n’est pas équivalent à en supprimer la cause.
Nos société modernes se fondent sur un double credo : la démocratie et l’économie de marché. De l’homme et des nécessaires valeurs qui président à sa réalisation et à sa participation à la société, il est de moins en moins question. Or c’est en retrouvant en soi le meilleur de l’être humain, ce qui relie chaque individu à des valeurs universelles, qu’une civilisation peut refleurir. D’où l’intérêt et la néces-sité de rendre ce patrimoine humaniste accessible à tous, afin qu’il puisse nourrir une réflexion et une action inspirée par les plus nobles idéaux de l’histoire de l’humanité.
Car, contrairement à ce qu’avaient pensé les idéologues modernes, aucune renaissance ne peut venir de l’extérieur. Nous le savons, ni les lois, ni les décrets ne rendent les individus plus moraux. C’est donc à l’intérieur de chacun qu’il faut cultiver les valeurs, les idéaux et les principes qui permettront à
l’homme d’abord, puis à la civilisation, de se régénérer. C’est ce qu’avaient compris les anciennes écoles de philosophie qui furent à la base de nombreuses renaissances. C’est aussi le projet de Nou-velle Acropole qui oeuvre à cette tâche dans près de cinquante pays dans le monde.
Isabelle Ohmann
(1) Voir l’Humanisme, actualité de la Renaissance, par Isabelle Ohmann et Fernand Schwarz, édition Nouvelle Acropole, collection Dossiers spéciaux, 1999.